Cette fiche a pour objectif de sensibiliser le chercheur en sciences juridiques aux questions de l’identité numérique : expliquer ses enjeux et donner des conseils pour la construire, l’alimenter et l’entretenir de manière efficace et responsable.
© Lætitia DELOBEL (BAPSO Grenoble Alpes)
1. Qu’est-ce que l’identité numérique ?
« L’identité numérique peut être définie comme la collection des traces (écrits, contenus audios ou vidéos, messages sur des forums, identifiants de connexion, etc.) que nous laissons derrière nous, consciemment ou inconsciemment, au fil de nos navigations sur le réseau et le reflet de cet ensemble de traces, tel qu’il apparaît ‘remixé’ par les moteurs de recherche. »
Selon cette définition d’Olivier Ertzscheid, les traces laissées au cours des navigations peuvent être volontaires (profils, avatars, CV, mais aussi écrits ou captures audios et vidéos déposés sur le web) ou involontaires (données de connexion, cookies). S’ajoute à ces traces l’e-réputation qui peut être définie comme l’image perçue et donc la confiance et la crédibilité accordées à une personne.
Par conséquent, il est important pour un chercheur de mettre en place une identité numérique réfléchie car celle-ci le présente en tant que personne mais aussi en qualité de porte-parole de la recherche scientifique. La prendre en main permet de la construire selon ses choix, ses valeurs mais aussi selon les règles déontologiques du chercheur et dans le respect de l’établissement qu’il représente.
2. Pourquoi est-il utile de construire son identité numérique ?
Sur le plan académique pour :
- être identifié de manière univoque et ne pas être confondu avec d’autres chercheurs en sciences juridiques, d’autres disciplines ou des personnes extérieures au milieu académique (homonymes ou noms proches)
- être visible en tant que chercheur
- mettre en valeur ses travaux, ses activités d’enseignement, ses responsabilités administratives et/ou éditoriales (cf fiche pédagogique : Comment diffuser son travail de recherche ?)
- augmenter ses chances de collaboration, de financement, de recrutement ou de promotion
- relayer l’actualité de la recherche scientifique (parution d’ouvrages, d’articles, colloques)
- se protéger contre les fraudes (plagiat) en s’attribuant correctement l’ensemble de ses travaux
- contribuer à faciliter l’accès aux travaux de recherche en droit (productions majoritairement en langue française et diffusées essentiellement sur les plateformes d’éditeurs à accès payant) et augmenter ainsi la visibilité des auteurs juridiques en France et à l’échelle internationale
- parfaire la communication institutionnelle axée davantage sur les activités des laboratoires
- mesurer l’impact de ses travaux, favoriser les échanges avec ses pairs et augmenter les retours et les avis sur ses productions
- diversifier ses publics (chercheurs dans d’autres disciplines, professionnels du droit, particuliers, journalistes…)
- compléter sa veille scientifique (l’actualité, notamment législative et jurisprudentielle, circule plus rapidement sur les réseaux sociaux)
- valoriser et promouvoir des pratiques de recherche et de diffusion de travaux responsables : utilisation d’outils permettant un accès libre et une diffusion des productions scientifiques
Mais aussi :
En tant que chercheur qui peut apporter son expertise dans la sphère publique : expliquer, faciliter la compréhension du droit, relayer les informations d’actualité législative et jurisprudentielle et les commenter. Les sciences juridiques étant ancrées dans la société, la présence et l’expertise des juristes est importante dans le débat public (presse, radio, télévision mais aussi réseaux sociaux).
3. Comment mettre en place et alimenter son identité numérique ?
3.1 Définir ses objectifs
Au préalable, il faut s’interroger sur ses propres motivations et les objectifs visés en exposant son identité numérique. En effet, se rendre plus visible entraînera nécessairement des sollicitations de natures diverses.
Afin de mettre en place sa stratégie, choisir les plateformes et les outils à investir ainsi que les éléments de son identité à diffuser, il convient de définir :
- ce que l’on souhaite mettre en avant : son profil de chercheur en sciences juridiques pour être reconnu et contacté, ses travaux et ses activités pour les rendre plus visibles ou l’ensemble de ces éléments
- le public que l’on cherche à atteindre : communiquer auprès du milieu académique (ses pairs et ses étudiants) et/ou élargir son lectorat (médias, professionnels du droit, ONG, particuliers…)
- les moyens que l’on peut mobiliser en temps ou en compétences à développer. Si l’on souhaite investir un minimum de temps, certains outils proposent une alimentation en partie automatisée et sont interopérables. D’autres nécessitent au contraire d’être réactif et fréquemment en ligne.
3.2 Faire un état des lieux de sa présence sur le web
Une fois ses objectifs définis, il est recommandé de faire un état des lieux de sa présence sur le web.
Pour cela, on pourra utiliser le moteur de recherche Google mais également d’autres outils de recherche spécialisés comme :
- ScanR : moteur du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui recense les informations ouvertes, disponibles et réutilisables concernant les auteurs, les structures, les financements et les productions liés à la recherche
- Webmii : agrégateur de contenus dédié à la recherche d’informations publiques sur les personnes. Il attribue un coefficient de visibilité.
- Visibility Check de l’Université d’Utrecht : outil donnant un aperçu de son rayonnement académique et proposant des conseils pour développer son identité numérique de chercheur
3.3 Préparer ses données
On pourra ensuite rassembler toutes les informations souhaitées pour construire ou compléter son identité numérique :
- son identité : en tant qu’auteur, choisir entre son nom marital ou de naissance, le(s) prénom(s) utilisé(s) : par exemple, un deuxième prénom pour se différencier d’éventuels homonymes. En tant qu’internaute, l’usage d’un pseudonyme est courant dans certains réseaux sociaux, il ne semble toutefois pas opportun dans la sphère académique.
- son parcours de formation
- ses différentes affiliations et statuts : utiliser les logos à jour et la charte graphique des établissements
- si l’on choisit de publier une photo, par cohérence, on utilisera la même pour ses différents profils
- ses identifiants chercheur : IdHAL, ORCID, IdRef, etc. (cf. Développer sa visibilité sur le web : des identifiants pour les chercheurs en droit)
- ses domaines de recherche : choisir ses mots-clés, éventuellement traduits en anglais ou toute autre langue utile en fonction de sa spécialité et de ses collaborations
- sa liste de publications, d’enseignements, de financements, de récompenses, de ses travaux en cours (projets, partenariats)
- ses responsabilités : administratives, éditoriales…
- ses coordonnées : le mél institutionnel...
3.4 Veiller à une présence sur le web éthique et responsable
Communiquer largement, diffuser des informations ou ses travaux au-delà de la communauté de ses pairs demande de mettre en œuvre des savoir-être éthiques et déontologiques :
- respect de la loi : notamment dans le cadre des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle
- Charte française de déontologie des métiers de la recherche : « la liberté d’expression et d’opinion s’applique dans le cadre légal de la fonction publique, avec une obligation de réserve, de confidentialité, de neutralité et de transparence des liens d’intérêt »
- cadre contractuel : les conditions générales d’utilisation (CGU) des plateformes, les contrats avec les éditeurs…
- bonne tenue des échanges dans les réseaux sociaux
- éviter le mélange des genres : vie privée/professionnelle, expression à titre personnel/institutionnel, convictions ou opinions propres/expertise scientifique
3.5 Optimiser son temps de présence sur le web
Si l’on choisit d’utiliser plusieurs plateformes pour bénéficier d’une plus grande visibilité et/ou profiter des fonctionnalités spécifiques à certains outils, ce temps d’actualisation pourra être démultiplié. Néanmoins, il existe diverses possibilités pour optimiser son temps :
- les renvois : on peut par exemple choisir d’être exhaustif et d’actualiser très régulièrement sa page LinkedIn et de renseigner de manière succincte les autres profils qui renvoient vers le compte tenu à jour. Un lien vers ce compte "privilégié" pourra être inséré dans sa signature de messagerie électronique. De la même manière, pour favoriser l’accès libre, gratuit et pérenne aux publications scientifiques, il est recommandé de les déposer plutôt sur une archive ouverte de type HAL que sur les réseaux sociaux académiques comme ResearchGate ou Academia. On indiquera simplement le lien du dépôt HAL ou de la plateforme de l’éditeur sur ses comptes des réseaux sociaux.
- l’interopérabilité : elle évite les multiples re-saisies en autorisant le transfert des données d’une plateforme vers une autre et permet ainsi l’actualisation automatique des profils. De cette manière, les dépôts de publications réalisés dans HAL peuvent alimenter le profil ORCID (mais pas l’inverse) ou le CV HAL peut afficher les tweets de son compte sur la plateforme X (anciennement Twitter).
Univ-droit.fr, le Portail universitaire du droit propose une alimentation automatique des données du chercheur dans les parties "Actualités", "Publications" et "Communications" de l’annuaire. Ces informations se mettent à jour sans intervention du chercheur et correspondent :- aux actualités et aux manifestations scientifiques organisées au sein des facultés de droit auxquelles il participe
- aux ouvrages publiés dont il est auteur, co-auteur, directeur de publication... (signalés dans le Sudoc)
- à la thèse dont il est auteur mais aussi aux thèses dont il est directeur, rapporteur, membre du jury... (signalées dans theses.fr)
- aux cours qu’il a déposés sur la plateforme UNJF
- à ses propres dépôts dans HAL
- aux références de ses publications dans les revues Dalloz (projet Droit2HAL)
Le chercheur garde toutefois la main sur les données de son profil Univ-droit et peut, par exemple, ajouter une photo, un CV, proposer une courte présentation de ses activités et de ses responsabilités, indiquer les liens vers ses autres profils : LinkedIn, X, Google+ ...
4. Comment choisir les services disponibles sur le web ?
Le chercheur en sciences juridiques dispose d’un panel de services sur le web pour créer et alimenter son identité numérique. Plusieurs critères peuvent guider son choix : sa familiarité avec l’outil, son bon référencement ou sa renommée au sein de la communauté qu’il souhaite cibler, ou encore les services offerts.
Une identité numérique se construit autour des trois éléments suivants :
- son identité en tant que chercheur (profil)
- ses travaux de recherche (productions et manifestations scientifiques)
- ses activités au sein d’une communauté et/ou au service de la société (professionnelles, politiques, associatives…)
Le tableau ci-dessous propose une liste d’outils, de plateformes et de services assortis d’exemples. Ils sont présentés en fonction des éléments à mettre en avant pour son identité numérique :
= profil
= productions et manifestations scientifiques
= autres activités
Outils/Plateformes/Services |
Exemples |
---|---|
Sites personnels ou pages sur les sites institutionnels : |
|
Réseaux sociaux académiques : |
|
Réseaux professionnels : |
|
Services de CV ou pages auteur liés aux identifiants chercheur :
|
|
Plateformes de cours : |
|
Plateformes de blogs : |
|
Sites participatifs sur le monde du droit et les actualités : |
|
Archives ouvertes (dépôt de publications) : |
|
Revues en open access : |
|
Une identité numérique est vivante. Elle doit être entretenue régulièrement pour mettre en lumière les nouveaux travaux, les projets et les évolutions de carrière du chercheur. Ces traces laissées volontairement doivent être actualisées pour ne pas renvoyer l’internaute vers un profil obsolète ou lui faire accéder à des informations erronées. Il aura ainsi un réel contrôle sur ce qui pourra être trouvé sur lui, contribuera à sa plus grande visibilité et pourra mesurer la qualité de son impact à travers :
- les sollicitations et les offres de collaborations
- les métriques que certaines plateformes mettent en place (nombre de consultations et de téléchargements, nombre de retweets, de partages, d’abonnés, etc.)
- les commentaires et les retours qui suivront ses interventions et qui pourront faire évoluer ses travaux.
Un étudiant de master, un doctorant, qui n’a pas encore forcément publié de travaux scientifiques, est tout autant encouragé à construire et à soigner son identité numérique, notamment, pour faciliter sa future insertion professionnelle. De plus, contribuer de manière active à la vie de son établissement, participer à des concours comme Ma thèse en 180’, Concours de plaidoiries de l’Académie de droit international de La Haye, Concours de plaidoirie René Cassin... et relayer cette participation lui assurera une meilleure visibilité.
A savoir : pour accompagner sur les questions de l’identité numérique, les Bibliothèques universitaires, les Écoles doctorales ainsi que les URFIST (Unités Régionales de Formation à l’Information Scientifique et Technique) proposent des cours et des ateliers de sensibilisation.
5. Pour aller plus loin...
Quelques repères bibliographiques :
- ERTZSCHEID, Olivier. Qu’est-ce que l’identité numérique ? Enjeux, outils, méthodologies. Nouvelle édition [en ligne]. Marseille : OpenEdition Press, 2013 (généré le 07 mars 2024). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/oep/332>. ISBN : 9782821813380. DOI : https://doi.org/10.4000/books.oep.332.
- BOUCHARD, Aline. Construire son identité numérique de chercheur" (synthèse), formation doctorale (URFIST de Paris), 07/2020. URL : https://urfist.chartes.psl.eu/sites/default/files/ab/bouchard_urfistparis_identitenumerique_synthese_072020.pdf
- FORMADOCT: "Rédiger un blog scientifique: Introduction, Qu’est-ce que les blogs scientifiques ? Qui les produit et qu’y trouve-t-on ? Comment et pourquoi les utiliser ? Présentation et définition du sujet, repères historiques, enjeux. 18 février 2020 URL: https://formadoct.doctorat-bretagneloire.fr/c.php?g=491508&p=3361919
- "Quelle visibilité numérique pour les chercheurs en droit ?", JurIST, 25 juin 2020. URL : https://cujas.hypotheses.org/220
- CHAMBARDON, Nicolas. L’identité numérique de la personne humaine. Contribution à l’étude du droit fondamental à la protection des données à caractère personnel. Droit. Université Lyon 2 Lumière, 2018. tel-02464483 - 1er prix Open Thèse 2021
Fiches pédagogiques dans Jurisguide :
- Science ouverte et Droit
- Thèses et travaux universitaires : panorama
- Comment diffuser son travail de recherche ?
- Où trouver de la doctrine en libre accès ?
- ORCID, IdHAL, Univ-droit... : tour d’horizon des identifiants du chercheur
- Cours juridiques en ligne : portails et MOOCS
Fiches documentaires dans Jurisguide :
Fiche réalisée le 27/06/2022
Mise à jour le 10/06/2024