Le vin est probablement le produit de consommation courante d’origine agricole le plus anciennement et le plus complètement réglementé ; sa définition légale remonte en France au 14 août 1889. La réglementation accompagne le vin tout au long de sa vie, de la plantation de la vigne à l’étiquetage de la bouteille de vin et à la commercialisation.
Le vin représente des enjeux économiques et sociaux très importants, le droit du vin fait appel à des pans entiers du droit, qu’ils relèvent du droit public ou du droit privé.
Plan de l’article
- 1. Définition juridique du vin
- 2. Organisation de la filière vitivinicole
- 3. Les acteurs de la filière vitivinicole
- 4. Les organisations professionnelles et interprofessionnelles
- 5. Les acteurs institutionnels nationaux
- 6. Les institutions internationales
- 7. Les principales lois sur le vin et la vigne
- 8. La règlementation européenne
1. Définition juridique du vin
L’article 1er de la loi du 14 août 1889 (loi Griffe du nom de son promoteur) nous donne la première définition juridique française du vin :
Le vin est un « produit exclusif de la fermentation du raisin frais ou du jus de raisin frais », définition qui sera reprise par le décret du 1er décembre 1936 à l’article 1er du Code du vin. Le vin est un produit issu d’une plante, la vigne, dont le jus de ses fruits fermente naturellement sous certaines conditions définies par la législation
On retrouve également cette définition dans les textes de l’Union Européenne. La définition communautaire ne concerne que le mode d’obtention du vin en général. Les paramètres tels que le titre alcoométrique, l’acidité, les pratiques œnologiques autorisées, sont définis au niveau des différentes catégories de vin.
Le vin contient de l’alcool issu de la transformation des sucres des raisins sous l’action des levures présentes sur leur peau. À l’issue de la fermentation alcoolique, le vin contient naturellement plusieurs éléments tels qu’un certain degré d’alcool dont le plancher et le plafond peut varier en fonction du type de vin (de 4.5% à 20% d’alcool) et une certaine acidité (non inférieure à 3,5 grammes par litre, exprimée en acide tartrique). Il est aussi caractérisé par une couleur particulière fonction du cépage et/ ou de la, présence de la peau du raisin lors de la fermentation de son jus. On compte 60 espèces de vignes autorisées pour faire du vin, toute appartenant au genre « vitis ». En France les cépages autorisés sont inscrits au Catalogue officiel des variétés de vignes
Le vin est donc un produit naturel résultant de manipulations humaines réglementées, certaines pratiques étant cependant interdites (mouillage, coupage, ajout d’alcool…).
Il existe différents types de vin (vin nouveau, vin de table, vin de liqueur, vin mousseux, V.Q.R.P.D....) dont la législation précise les caractéristiques techniques et/ou géographiques.
Les Vins de Qualité Produits dans des Régions Déterminée (V.Q.P.R.D) sont des vins répondant à prescriptions spécifiques définies par les réglementations nationales. Chaque Etat membres transmet à la Commission européenne la liste des V.Q.P.R.D reconnus en indiquant pour chacun la référence aux dispositions nationales qui régissent leur production et leur élaboration.
La réglementation française différencie, à l’intérieur des catégories définies par la Communauté européenne, des catégories spécifiques répondant à des exigences précises. Ainsi à l’intérieur de la catégorie des V.Q.P.R.D. la France distingue les Vins à Appellation d’Origine Contrôlée (A.O.C.) et les Vins Appellation d’Origine, Vins Délimités de Qualité Supérieure (A.O.-V.D.Q.S.),
2. Organisation de la filière vitivinicole
On schématise la filière vitivinicole en trois grandes étapes qui correspondent au « trois grands V » : La vigne, le vin, la vente.
La vigne et l’activité de viticulture est exercée par des exploitants agricoles, entreprises familiales ou grandes exploitations.
L’activité de vinification peut être faite dans la même entreprise que celle ayant cultivé la vigne, ce qui est courant en Europe, ou alors par d’autres acteurs : vigneron, coopérative de production ou entreprise de vinification et de commercialisation.
La vente est effectuée soit directement du producteur au consommateur, soit par l’intermédiaire de commerçant(s) qui assure(nt) l’opération ou en lien avec la grande distribution ou les débits de boissons et la restauration.
3. Les acteurs de la filière vitivinicole
3.1 Les statuts de différentes professions
Les entrepositaires agréés
Il s’agit d’une catégorie purement fiscale définie au niveau européen. Il s’agit des professionnels qui produisent ou transforment du vin ; détiennent du vin reçu ou acheté à des fins d’expédition ou de revente de quantités supérieures à 90 litres de vins tranquilles ou de vins mousseux. Le régime des entrepositaires agréés relève de la Directive UE 2020/262 du Conseil du 19 décembre 2019 établissant le régime général d’accise et de l’art. L. 111-A-0 du CGI.
Les débitants de boissons
Il s’agit des opérateurs de la filière qui commercialisent ou expédient des boissons en deçà des seuils visés par l’art.111-0A de l’annexe III du CGI.
Un débit de boisson est un établissement dans lequel sont vendues ou offertes gratuitement des boissons alcoolisées ou non, pour une consommation sur place ou à emporter.
Les courtiers
Il s’agit de professionnels qui mettent en relation deux personnes en vue de la conclusion d’un contrat. Au sein de la filière vitivinicole, ils mettent en relation les producteurs de vin avec les négociants ou importateurs. Il s’agit de commerçants puisqu’ils effectuent à titre habituel des actes de commerce (art. L. 110-1 et L. 121-1 C.com).
4. Les organisations professionnelles et interprofessionnelles
Les professionnels peuvent se réunir dans le cadre syndical et/ou coopératif
Les syndicats vitivinicoles
La formation des syndicats vitivinicoles est régie par les articles L 2131-1 et s. C. trav. Ils peuvent se regrouper en Unions syndicales ou fédérations syndicales. Afin de défendre les intérêts de la profession, ils peuvent agir en justice, notamment afin de défendre l’utilisation des appellations d’origine.
Les sociétés coopératives agricoles
Les viticulteurs peuvent aussi se regrouper en sociétés coopératives agricoles afin d’utiliser en commun les outils et moyens de faciliter et développer leurs activités économiques. Les coopératives sont régies par les art. L.521-1 et s. et R.521-1 et s. du C. rur. et des art. 1832 et S. du code civil.
On distingue, selon leurs activités, trois types de sociétés coopératives agricoles :
- Les sociétés coopératives de production, les caves coopératives viticoles vinifient la moitié de la production française ;
- Les sociétés coopératives d’approvisionnement fournissent les produits d’élevage de la vigne ;
- Les sociétés coopératives de services notamment pour la mise en commun des machines les plus onéreuses.
5. Les acteurs institutionnels nationaux
Les directions centrales de l’Etat
- La Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI)
- La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
- La Direction générale des finances publiques (DGFP) ;
Ces Directions relèvent toutes du Ministère de l’économie et des finances.
Leur rôle est de contrôler le respect du droit de la concurrence, du droit de la consommation et du droit fiscal. Sont notamment recherchées les fraudes commerciales relatives à la constitution ou à la présentation du vin, ainsi que les fraudes fiscales y afférentes. Le vin est en effet soumis à un droit de circulation ainsi qu’à la TVA.
Les agents de ces Directions centrales contrôlent le contenu de la documentation obligatoirement tenue par les professionnels de la filière (documents comptables, commerciaux ou fiscaux). Ils peuvent également se déplacer dans les locaux des professionnels intéressés (lieux de production, de stockage ou de vente) afin d’y effectuer des vérifications et, éventuellement, prélèvements d’échantillons, voire pour saisir des marchandises.
Les établissements de la filière agricole
- L’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)
- L’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer)
- Les conseils de bassin viticole
6. Les institutions internationales
L’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV)
L’OIV est une organisation intergouvernementale à caractère scientifique et technique de compétence reconnue dans le domaine de la vigne, du vin, des boissons à base de vin, des raisins de table, des raisins secs et des autres produits issus de la vigne.
Les 50 Etats membres comprennent les principaux producteurs de la planète, à l’exception des États-Unis et d’une grande partie de la Chine. Certains pays peuvent être observateurs (les deux territoires chinois de Yantaï et Ningxia), ainsi que certaines associations.
L’organisation mondiale du commerce (OMC)
L’OMC fut créée par l’ accord de Marrakech du 15 avril 1994 entre les 117 États membres du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade - Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). L’OMC gère une trentaine d’accords dont certains ont une influence essentielle sur le droit de la vigne et du vin :
- l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)
- l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) ;
- l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) ;
- l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
7. Les principales lois sur le vin et la vigne
Loi du 14 août 1889 – dite « loi Griffe » (du nom de son initiateur), l’art 1 donne une définition de référence, le vin est un produit de la fermentation des raisins frais ou du jus de raisins frais.
Loi du 1er janvier 1930 définissant indirectement les vins loyaux et marchands, c’est-à-dire pouvant faire l’objet de transactions commerciales au vu des qualités organoleptiques minimales attendues du consommateur (titre alcoométrique et acidité suffisants ; richesse minimale en éléments fixes).
Décret du 5 juillet 1930 reconnaissance de l’utilité publique de l’Association de propagande pour le vin, créée en 1926.
Décret du 8 décembre 1931 création du Comité national de propagande en faveur du vin rattaché au ministère de l’Agriculture.
Décret-loi du 30 juillet 1935 « relatif à la défense du marché des vins et au régime économique de l’alcool » établit un Comité national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie (CNAO), établissement public ayant pour mission de fixer, après avis des syndicats concernés et avant qu’un décret du ministre de l’Agriculture ne les consacre, les conditions permettant de jouir d’une Appellation d’Origine Contrôlée (aire de production, cépages, degré alcoolique, rendement ou encore procédés de culture et de vinification)
Décret du 1er décembre 1936 adoption du Code du vin qui réunit alors quatre-vingts textes (ordonnances, lois, décrets-lois, règlements, arrêtés) relatifs à l’organisation du marché vinicole depuis un siècle et regroupés en sept titres : définition du vin, production, importations, commerce, circulation, Alsace-Moselle et Corse. Il sera abrogé en 2003 (art. 4-2 du décret n° 2003-851) du 1er septembre 2003 « portant codification de la partie réglementaire du Code rural »).
Loi du 18 décembre 1949 crée l’appellation d’origine « vins délimités de qualité supérieure » (AOVDQS, vins ne jouissant pas de l’AOC mais disposant de qualités justifiant de ne pas leur appliquer les dispositions contraignantes du statut de la viticulture (qui relève du code rural).
Arrêté du 20 février 2009 relatif au classement des variétés de vigne de raisin de cuve supprime les listes départementales de cépages autorisés. Il est possible, pour les vins sans indication géographique, de planter n’importe quel cépage autorisé sur tout le territoire.
8. La règlementation européenne
Règl. (CE) n° 817/70 du 28 avril 1970 crée l’Organisation commune de marché (OCM) vitivinicole inspirée du modèle français. L’objectif est de lutter contre la surproduction et d’accompagner les vignobles vers la qualité. AOC et AOVDQS seront réunies, sur le plan communautaire, au sein de la catégorie des Vins de qualité produits dans des régions déterminées (VQPRD), soumis à un examen analytique et organoleptique en plus des conditions traditionnelles d’encépagement, de rendements, de pratiques culturales ou de titrage alcoométrique (art. 11 dudit règlement).
Le règl. (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 modifie les catégories juridiques vinicoles européennes en abandonnant la distinction entre VQPRD et vins de table. Désormais, sont distingués les vins avec indication géographique qui se verront appliquer les dénominations d’appellation d’origine protégée - AOP et l’indication géographique protégée - IGP (créées par le règl. (CEE) n° 2081/92 du 14 juillet 1992).
Le règlement (UE) 2021/2117 publié le 2 décembre 2021 modifie les règles d’étiquetage des vins et des vins aromatisés et rend obligatoire la communication de la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle de ces produits après le 8 décembre 2023.
Fiche réalisée par : Stéphane DOUSSIN (BUEM Sorbonne Paris Nord), le 03/12/2024
Mise à jour le 11/12/2024