Droit de l’eau

  • Imprimer
  • Télécharger au format PDF
  • Envoyer par mail

  • Télécharger au format RIS
  • Ajouter cette fiche à votre panier
Source : Waterfalls near plants- Pixabay -CC0

De par sa nature l’eau est difficilement saisissable par le droit, il est en effet difficile de donner un régime juridique à une ressource naturelle en mouvement permanent sous différentes formes et dans différents environnements.

La prise en compte du caractère unitaire et global de l’eau est relativement récente, le droit français ne l’a intégré qu’au début des années 1960 avec le concept de bassin versant

L’expression même de droit de l’eau reste incertaine et la question est donc de comprendre comment le droit de l’eau s’est construit en France et quels sont les éléments essentiels qui le composent ?

1. Absence de définition uniforme

Le législateur français n’a pas élaboré un Code de l’eau ni donné de définition légale de l’eau. Actuellement, les règles juridiques applicables à la ressource en eau sont éparpillées entre plusieurs codes. 

Ainsi, le Code civil affirme que l’eau est une res communis, c’est-à-dire une chose qui n’appartient à personne et dont l’usage est commun à tous. 
En son article 1er, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 reconnaît à la ressource en eau la qualité de patrimoine commun de la Nation. 
Le Code général des propriétés des personnes publiques distingue les cours d’eau domaniaux soumis au droit public des cours d’eau non domaniaux soumis au droit privé (Article L. 2111-7s).

Autres exemples, le code de l’environnement régule la gestion de l’eau quand le code général des propriétés des personnes publiques régie le domaine public fluvial et que le code des collectivités territoriales règlemente le service public d’eau potable.

Une partie de la doctrine française a tenté de définir le contenu du droit de l’eau. 

Pour certains auteurs, le droit de l’eau regroupe les règles régissant globalement les eaux continentales. Ces règles traitent de l’eau dans tous ses aspects et prennent en compte les interrelations du système hydrique et de son environnement.
Pour une autre partie de la doctrine ce droit désigne le régime juridique des eaux, notamment les droits et devoirs des particuliers et les mesures de protection de la ressource hydraulique ».

Ce droit repose donc sur des considérations écocentriques comme anthropocentriques. 

2. Les principales lois sur l’eau

Il est communément admis que le droit de l’eau actuel résulte de « trois grandes lois sur l’eau » adoptées en France depuis le début des années 1960 :

-          La Loi du 16 décembre1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution ;

-          la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau  ;

-          la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA).

La loi de 1964 a posé les bases de la gestion décentralisée au sein des grands bassins hydrographiques avec la création des agences de l’eau et des comités de bassins. Afin de réduire la pollution des eaux générée par l’activité industrielle et urbaine, cette loi fixe des objectifs de qualité par cours d’eau dans chaque département. 

La loi de 1992 unifie le régime juridique de l’eau en rassemblant les différentes procédures des textes antérieurs en les classant dans une nomenclature qui détermine des seuils d’autorisation ou de déclaration. La loi reconnaît l’eau comme “patrimoine commun de la Nation”. 

Le droit de l’eau a été conjugué autour de quatre grands principes : 

-          Le principe de l’unité de la ressource en eau, 

-          le principe de la patrimonialisation de l’eau, 

-          l’affirmation du caractère d’intérêt général de la protection de l’eau,

-          le principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

La loi de 2006 transpose la Directive cadre sur l’eau en droit français. Elle définit les objectifs de bon état écologique pour son territoire. La loi donne priorité à l’usage de l’eau pour la consommation humaine et impose un droit d’accès à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

 Elle constitue le texte central de la politique française de l’eau et réforme plusieurs codes (environnement, collectivités territoriales, santé publique…).

Les objectifs principaux de la loi sont de :

-       Respecter les objectifs de la directive européenne de 2000 et répondre aux exigences européennes d’atteinte en 2015 du « bon état » des eaux et des milieux aquatiques,

-       Donner à l’administration les outils pour reconquérir la qualité des eaux et préserver les milieux aquatiques, trouver une meilleure adéquation entre ressources et besoins, mieux informer les usagers.

 

Le décret du 12 juillet 2024 marque une nouvelle étape dans la réglementation de la réutilisation des eaux usées traitées en France. Face aux enjeux de raréfaction des ressources en eau et aux épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents.

Le décret s’applique principalement à l’irrigation agricole, à l’arrosage des espaces verts, et au nettoyage des voiries. Le décret, stipule que ces eaux ne doivent pas être utilisées pour des usages impliquant un contact direct avec les humains ou pour l’alimentation en eau potable.  Chaque type de réutilisation des eaux usées doit respecter des seuils spécifiques de traitement afin de minimiser les risques microbiologiques et chimiques. Ces seuils sont déterminés en fonction des recommandations des agences sanitaires et environnementales, garantissant ainsi la sécurité des populations et des écosystèmes.

Tout projet de réutilisation des eaux usées traitées devra faire l’objet d’une autorisation préfectorale délivrée après une évaluation détaillée des risques sanitaires et environnementaux du projet, ainsi que des caractéristiques locales. Cela permet de s’assurer que les projets respectent les normes en vigueur et prennent en compte les spécificités du territoire concerné.

Le décret précise que les projets de réutilisation doivent être suivis par un programme de surveillance régulier. Les exploitants doivent réaliser des analyses de la qualité de l’eau en continu et les soumettre aux autorités compétentes, conformément aux obligations fixées. L’objectif est de garantir que les systèmes de traitement fonctionnent correctement et que l’eau réutilisée ne présente aucun danger pour la santé ou l’environnement.

Les collectivités locales devront s’adapter pour répondre aux nouvelles exigences du décret, notamment en ce qui concerne la gestion des réseaux de collecte des eaux pluviales. Priorité sera donnée à la mise à jour des réseaux de canalisations pour éviter la surcharge lors des pluies intenses. Le décret impose des études d’impact préalables pour tout projet de réaménagement ou d’extension des réseaux. Ces études doivent inclure une évaluation de la capacité des infrastructures à absorber les précipitations dans un cadre climatique plus instable. Pour limiter les risques d’inondation, des solutions comme les bassins de rétention ou les zones de stockage temporaire des eaux pluviales seront de plus en plus nécessaires.

Le décret encourage le développement d’infrastructures vertes, telles que les toitures végétalisées, les fosses d’infiltration, et les pavages perméables, qui permettent une meilleure infiltration des eaux dans les sols, réduisant ainsi la pression sur les réseaux d’assainissement. Les collectivités et les gestionnaires d’infrastructures devront s’appuyer sur des technologies avancées, adaptées aux nouvelles normes de qualité des eaux (filtration des eaux pluviales, système de gestion des eaux intelligents…).

Le décret introduit des normes précises sur les systèmes de collecte, comme les citernes de récupération d’eau de pluie installées dans les bâtiments publics ou privés. Des standards de qualité garantissent que l’eau collectée pourra être réutilisée sans risque pour des usages non potables.

3. Le droit de l’Union européenne (UE)

Avec l’adoption de la directive cadre sur l’eau du 22 décembre 2000, les institutions de l’UE prennent conscience de la nécessité de protéger la qualité de l’eau de manière générale, tout en tenant compte de son cycle naturel, de sa nature fluide, des écosystèmes des milieux aquatiques. 

Cette directive marque la volonté des États membres d’harmoniser les régimes juridiques de la ressource en eau. Elle affirme que « l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel ». 

Les standards fixés prennent également en compte notamment de l’interdépendance entre les eaux de surface et les eaux souterraines.

Une protection à la fois qualitative et quantitative de l’eau est imposée aux Etats membres. 

Avec cette directive, la ressource en eau est protégée dans la totalité du cycle, depuis son gisement dans la nature jusqu’au robinet. Par ailleurs, le législateur de l’UE impose des délais à respecter par les États membres pour se conformer aux objectifs énoncés dans la directive cadre sur l’eau. 

L’ambition de cette directive était d’atteindre le bon état écologique de toutes les masses d’eau se situant sur le territoire de l’UE au plus tard en décembre 2015, sauf dérogation dûment justifiée. L’État français a demandé à la Commission européenne à plusieurs reprises le report de l’échéance fixée par cette directive.

Les États membres de l’UE restent libres de choisir soit la gestion directe du service public d’eau potable soit la gestion indirecte, confiée aux grandes entreprises spécialisées dans ce domaine.

La directive cadre sur l’eau a été complétée par d’autres directives qui renforcent la protection de la ressource en eau et participent à la construction progressive du droit de l’eau en Europe.

4. Le droit international de l’eau

Le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles fût reconnu en1962 par l’ONU en tant que composante du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. 

 « chaque État détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d’en disposer ». 

Toutefois, la souveraineté territoriale sur la ressource en eau a été aménagée par le respect de l’obligation de ne pas causer de dommages et par le respect de l’utilisation équitable de la ressource en eau. La Cour internationale de justice (CIJ) a posé une limite au principe de souveraineté en 1997 (Affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros du 25 septembre 1997, opposant la Hongrie à la Slovaquie - Rec. CIJ, 1997, p. 7 ; S).

La CIJ a jugé que « l’utilisation rationnelle et optimale des eaux du fleuve peut être considérée comme la pierre angulaire du système de coopération ». En vertu du principe de l’utilisation équitable et raisonnable de la ressource en eau, les États riverains ont donc une obligation de coopérer et d’échanger régulièrement leurs informations en ce qui concerne les utilisations et les besoins des États ainsi que les conditions hydriques changeantes du bassin transfrontalier (§ 174).

Pour la CIJ, il convient de trouver un équilibre « entre d’une part l’utilisation du fleuve à des fins économiques et commerciales et, d’autre part, l’obligation de protéger celui-ci de tout dommage à l’environnement susceptible d’être causé par de telles activités » (§ 175).

5. Codes

Plusieurs codes regroupent des textes relevant du droit de l’eau parmi les principaux citons les suivants : 

- Code civil.

- Code de l’environnement.

- Code de l’urbanisme.

- Code rural et de la pêche maritime.

- Code général des collectivités territoriales.

- Code pénal...

On peut consulter les codes officiels sur le site Légifrance, y compris l’historique des versions consolidées des articles des codes ainsi que les textes législatifs et règlementaires. 

6. Ouvrages

Le droit de l’eau est traité dans de nombreux ouvrages : traités, manuels, études particulières… Il peut s’agir d’ouvrages traitant spécifiquement du droit de l’eau ou abordant ce sujet parmi d’autres questions juridiques.

Le catalogue du SUDOC (Système Universitaire de DOCumentation) permet d’interroger les fonds documentaires des bibliothèques universitaires françaises.

7. Encyclopédies

Différents éditeurs proposent des encyclopédies dont des articles traitent du droit de l’eau.

Exemples :

- Dalloz ( AJDA, Répertoire de droit civil, Recueil Lebon – recueil des décisions du Conseil d’Etat, Répertoire de droit international…).

- Lamy (Bulletin de droit de l’environnement).

- LexisNexis 360 Intelligence (Revue de Droit administratif, Revue de l’environnement, JurisClasseur Environnement et dévelopement durable, JurisClasseur rural…) 

Ces encyclopédies sont accessibles en ligne sur les sites (payants) des éditeurs qui les diffusent.

Fiche réalisée par : Stéphane DOUSSIN (BUEM Sorbonne Paris Nord), le 21/09/2022
Mise à jour : Stéphane DOUSSIN (BUEM Sorbonne Paris Nord), le 24/01/2025

Partager cette fiche